... De mémoire d’hommes, le Pays d’Olmes n’a cessé d’être un centre textile.
En premier lieu, nous pouvons imaginer que les Madgaléniens qui fréquentaient les nombreuses grottes ariégeoises, pourraient être les concepteurs de cette industrie.
Dans l’Antiquité, en 213, sous le règne de l’empereur romain Caracalla, des échanges commerciaux signalent la présence de tissu originaire du Pays d’Olmes.
Au moyen Age (XI / XIIème siècles), le surnom de « Tisserands » a été donné aux cathares de Montségur. A cette époque, le filage de la laine, du lin ou du chanvre était une nécessité pour chaque famille riche ou pauvre et, cette occupation leur permettait, de village en village, d’atelier de tisserands en atelier de tisserands, de rencontrer les différentes classes de la société. Le drap est transporté par charrettes jusqu’aux portes de Carcassonne, Toulouse, Beaucaire et même bordeaux.
En 1508, nous retrouvons la copie d’une charte des tisserands à Laroque d’Olmes.
Au XVIIème siècle, le Pays d’Olmes reste un centre de « petites draperies » se contentant de fournir des tissus plus ou moins grossiers.
Sous Colbert, les tisserands et fileuses du Pays d’Olmes offrent une main d’œuvre d’appoint aux manufactures voisines de l’Aude.
Dés la fin du XVIIIème siècle, les échanges entre Chalabre et Lavelanet s’intensifient.
En 1801, une entreprise chalabraise s’installe à Lavelanet et l’on remarque à cette époque le refus des ouvriers d’utiliser le matériel moderne naissant.
A noter que les tisserands sont répartis dans les villages voisins : Montferrier, Villeneuve d’Olmes, Benaix, Fougax et Barrineuf, Dreuilhe et surtout Montségur.
1801 : introduction des premiers métiers à tisser
1807 : Jean Baptiste Dumons, fabricant de draps, s’installe à Lavelanet
1820 : la productivité des métiers à filer s’améliore et ce n’est qu ‘en 1880 que les machines à tisser mécaniques arrivent prudemment sur la place chez Bonnail et Dumons. L’ère de l’industrie entre vraiment en vigueur, et nous arrivons tout naturellement sur le second volet de cet exposé.
Le textile comporte quatre grandes familles :
l’industrie de la soie, dans la région de Lyon
le coton dans la région de l’Est (lingerie, linge de table, literie et fil à coudre)
le peigné, dans la région du Nord
le cardé dans la région du Centre (Vienne) et le Sud-Ouest (dans les régions de Lavelanet et de Castres)
Il ne sera donc question dans ce propos que de l’industrie du cardé et particulièrement dans le Pays d’Olmes.
Il est bon de rappeler que la transformation d’un tissus comprend plusieurs stades dans la transformation.
En premier lieu, les fibres textiles sont d’origines soit animales (laine, soie), soit végétales (coton, viscose, lin) et d’origine synthétique (nylon, draçon, orlon, polyester, tergal, etc...). Ces fibres peuvent être employées seules ou mélangées.
Dans le commerce, l’on distingue les tissus « pure laine », les tissus « laine et coton et laine viscose », les tissus « laine et tergal » etc...
Ces différentes compositions passent par plusieurs stades de transformations. Pour mémoire : l’effilochage, la teinture en bourre, la filature, la teinture en fil, l’ourdissage, le tissage, la teinture en pièce, le foulonnage et enfin les apprêts.
Les différents matériels nécessitant ces opérations sont exposés au Musée du Textile de Lavelanet.
Le textile industriel est né avec le métier « Jacquard » du nom de son inventeur, en 1801.
Pour la petite histoire, il existait encore en 1970 dans certaines usines un ou plusieurs de ces métiers servant uniquement à faire les échantillons des nouvelles collections.
Pourquoi le textile est-il venu s’implanter en Ariège, particulièrement en Pays d’Olmes ?
Les différentes phases de transformations des fibres en tissu demandent beaucoup d’eau (lavage, teinture, foulon, apprêts), mais pas n’importe quelle eau. Cette dernière doit avoir la particularité d’une qualité de PH quasiment neutre.
C’est ainsi que la première implantation se fit voilà un peu plus d’un siècle et demi dans la région de Mirepoix, en raison de la qualité de l’eau de l’Hers, émigra à Sainte Colombe sur l’Hers, puis au Pays d’Olmes où l’eau du Touyr est encore supérieure en qualité.
Pour la petite histoire, l’industrie textile industrielle vit pratiquement le jour à Sainte Colombe sur l’Hers (Ets Bonnail) et à Lavelanet (Ets Dumons), chacun des deux proclamant qu’ils étaient les premiers implantés, jurant leurs grands dieux que l’autre sortait de chez lui...
Donc, avant le premier conflit mondial, le textile était pratiquement le lot de ces deux établissements.
Ce fut 14-18 qui a donné le grand essor à cette région et le deuxième conflit mondial ne fit qu’accroître le développement de l’industrie textile en Pays d’Olmes.
Pourquoi ?
Il faut préciser que l’industrie du « cardé » fabrique des tissus pour hommes et garçonnets (vestes, pantalons, pardessus, casquettes, chemises), pour dames et fillettes (tailleurs, robes, jupes, manteaux), des tissus administratifs, civils, uniformes des administrations (PTT, Eaux et Forêts, etc...), militaires (habillement des armées de terre, de la marine, de l’air), les couvertures.
Inutile de dire que ces deux derniers chapitres furent à l’origine du développement spectaculaire de la région. Enfin, les tissus d’ameublement et les tissus de carrosserie automobile. Une unité fabriquant en outre de la moquette (les Ets Couquet) a équipé en son temps le paquebot « France » et le « Sénat »
Sur le plan démographique, il est à noter que la population en Ariège qui était de 244. 795 habitants en 1876, n’en comportait plus en 1962 que 127. 192, et les derniers recensement donnent un chiffre inférieur. Par contre à Lavelanet, l’accroissement démographique est spectaculaire, car , si en 1876 la ville ne comportait que 2500/ 3000 âmes, en 1973/ 1974, la population était de l’ordre de 9000 environ. Il est vrai qu’actuellement l’on ne compte que 7000 habitants dans un contexte de 18500 âmes pour le canton qui compte 18 communes.
Encore quelques chiffres :
En 1968, le personnel employé dans l’industriel textile était de 3508 pour une production de 10. 561. 650 mètres ; en 1973, les salariés du textile se montaient à 4817 pour une production de 29. 431. 500 mètres. Le tout produit par 80 assortiments de filature cardés et 2300 métiers à tisser.
Il est également bon de savoir que dans la filière de fabrication, il entre dans le prix de revient des tissus, beaucoup plus de frais de main d’œuvre que de produits bruts.
Sur le plan national, il est bon de noter que la filière textile, de la fabrication jusqu’à la confection, est l’industrie qui emploie le plus grand nombre de salariés. Il en est de même en Ariège où aucune branche industrielle n’atteignit les quelques 5000 salariés du textile dans les années 1965/ 1975.
Ceci étant dit, revenons à la fabrication du textile produite par 7 firmes intégrées (Bonnail, Dumons, Fonquernie, Cecassens, Bergère, Roudière, Thierry), c’est à dire des usines traitant les fibres jusqu’au tissu fini, une cinquantaine de fabricants semi-intégrés ou en chambre (ces derniers ne comportant que des métiers à tisser) et produisant malgré tout des tissus grâce à de multiples façonniers dans les différentes branches de transformations (12 effilochages, 26 filatures comportant 72 assortiments, 5 teintureries et 7 foulons et apprêts) sans compter un nombre important d’artisans tisserands travaillant à façon pour les fabricants.
Il serait bon d’ajouter à cela l’implantation de deux bonneteries, d’une filature de laine peignée, ainsi que trois négociants en matières premières. A cela, il faut intégrer les métiers annexes travaillant pratiquement uniquement pour le textile : les transports routiers desservant la France et l’étranger, les serrureries pour l’entretien et les réparations des différents matériels, les magasins de fournitures pour les différentes machines...
Si l’essor du Pays d’Olmes est dû aux deux conflits mondiaux par la fabrication intensive des fournitures militaires et administratives, il ne faut pas occulter pour autant le développement de toutes les draperies pour hommes et enfants, et surtout l’effort considérable pour les tissus féminins, alliant toutes les fantaisies et les besoins impérieux de la mode.
En effet son caractère de moyennes et petites entreprises permettait une souplesse extrême de livraisons dans les diversités des collections et la possibilité des utilisateurs de pouvoir être livrés très rapidement, pratiquement à la demande de leurs propres chalands.
Les importations importantes de matériels et matières premières en provenance des pays étrangers, ainsi que du développement importants des exportations, en effet, à cette époque les Ets. André Roudière étaient une des firmes les plus importantes d’Europe et exportaient son tissu tergal en particulier sur pratiquement tous les continents.
Aussi, afin de faciliter les importations et exportations, un bureau de douane fut implanté à Lavelanet dans les années 1970, tenant compte que le Pays d’Olmes premier centre cardé français et deuxième producteur national lainier. Cette administration existe encore actuellement et permet ainsi d’écourter très sensiblement les détails de dédouanement donnant ainsi beaucoup de facilités administratives.
Après cette période euphorique, l’on vit disparaître petit à petit tout ce tissu de fabrication semi-industrielle en raison de la crise textile des années 1980 et ce pour différentes raisons.
Rappelons-nous les cocoricos des ministres et économistes distingués (tous les économistes sont distingués !) se glorifiant de l’implantation dans les pays sous développés des fameuses usines livrées, clefs en main par la France... et aussi d’autres pays dits riches.
Ces économistes ayant tout simplement omis de penser que ces nouvelles productions faites grâce à des salaires de misère et au manque quasi total des charges sociales, arriveraient sur le marché à des prix défiants toutes concurrences. Ce fut l’une des causes de la crise sans compter le contexte du déplacement de l’utilisation des budgets de la ménagère, sacrifiant l’habillement au profit de la voiture et des loisirs.
Le Pays d’Olmes avait vécu ses plus belles années de prospérité, ce qui ne veut pas dire que le textile ariégeois soit en voie de disparition.
En effet, une nouvelle structure de l’industrie textile se crée à travers d’importantes affaires ; en premier lieu, les Ets. A. Roudière qui fut à un moment la première firme européenne dans le tissu tergal ; puis, Monsieur André Roudière se retirant, les Chargeurs Réunis prirent la suite et morcelèrent cette entreprise en plusieurs unités bien spécialisées. Puis, les Ets Michel Thierry, cotées en bourse, devinrent la plus grosse entreprise du Pays d’Olmes et sont en tête des grandes affaires textiles européennes.
Sur le plan de la main d’œuvre, nous sommes loin des années 70/ 75, puisqu’actuellement l’on ne compte que 2200 salariés répartis dans environ 70 entreprises. Il est bon de préciser que dans ce dernier chiffre, Thierry emploie 850 salariés et le groupe Chargeur (tissu d’habillement) 700 salariés.
Au delà du secteur textile dominant, de nombreux échanges entre le textile et divers prestataires de services (dépollution, informatique spécifique, transports routiers, fabricants de mécaniques et machines spéciales).
En 2000, l’industrie textile française a atteint un record d’exportation : 9, 45 milliards d’euros, en croissance de 8%. Près de 40% de ces exportations sont livrées hors de l’Union Européenne, et leurs taux de croissance atteint 16%.
En France, la consommation textile a progressé de 1,2% en volume. Croissance plus forte sur les textiles de maison et les textiles à usage technique et industriel. Croissance plus faible sur les textiles destinés à l’habillement. A noter quelques chiffres :la balance textile habillement en millions d’euros se chiffre en 1996 pour 2590 et en 2000 5250 euros.
Concernant l’avenir du Pays d’Olmes, les Chargeurs Réunis délocaliseraient en Tunisie, mais investissent e Pays d’Olmes grâce à l’aide des subventions européennes.
Les Ets. Thierry délocaliseraient également au Brésil pour suivre Renault, mais continuent à s’agrandir dans le Pays d’Olmes.
Pour les 70 entreprises du Pays d’Olmes, le chiffre d’affaires est de 602 millions d’euros et à l’exportation 151 millions.
Sur une population dans le canton d 18 345, l’on compte 7294 pour la population active, se décomposant comme suit :
Primaire- agriculture : 1%
Industriel : 64%
Tertiare, Services : 35%
Après le deuxième conflit mondial, le Pays d’Olmes a connu une période des plus florissantes.
Puis, la mondialisation qui, au départ, avait accru la chute des activités du cardé est aujourd’hui source de démarrage avec une économie à l’échelle planétaire. Bien que la confection se délocalise, la filature qui disparaît et le tissage qui s’expatrie en Chine, Pologne, Biélorussie, Lituanie, Maroc, une nouvelle forme de textile voit le jour à l’autre valeur ajoutée. Textile technique, ameublement, automobile, médical, etc... l’ennoblissement des traitements de finissage, de coloration, connaissent une forte poussée et permettent aux unités bien structurées et bien équipées comme Thierry et les Chargeurs Réunis de travailler dans la mode et circuit court.
L’exportation, grâce à la mondialisation qui avait précipité la disparition de la quasi totalité des petites entreprises, tant sur le plan fabrication que sur celui du travail à façon permet la réorganisation d’une nouvelle industrie textile performante et cela m’amène tout naturellement à en tirer quelques conclusions.
Bien que le Pays d’Olmes soit encore fragilisés par ces remous économiques, la place connaît actuellement un renouveau d’activités qui espérons-le ne sera pas éphémère.